L'histoire du lycée de la Sauque : Les origines
Pendant l’hiver 1942-1943, la colonie de vacances des Coqs Rouges de Brameloup, à La Teste, est réquisitionnée par l’occupant. Les responsables cherchent un local de remplacement car la colonie de vacances doit continuer à fonctionner. L’Abbé de Traversav trouve à La Brède le domaine de la Sauque, inoccupé depuis le décès de son propriétaire, Arthur de Richemont. Pendant la guerre, le domaine avait accueilli des personnes agées réfugiées de Nancy. Le 2 février 1943, deux responsables des Coqs Rouges, l’abbé de Traversay et Joseph Gramont, visitent les lieux. Le domaine est loué. Paul Coussau aménage à l’extérieur un sanitaire en planches. La galerie du château, alors vitrée (« galerie des glaces ! ») sera utilisée comme réfectoire.
La colonie fonctionne durant les vacances de Pâques, puis pendant l’été. En août 1943, les autorités demandent que les enfants soient gardés à La Sauque, en raison des risques de bombardement sur Bordeaux. La Sauque devient donc le 18 octobre 1943 « Centre Scolaire de Repliement », avec 25 élèves. Deux « Coqs Rouges », André Bord et Georges Lejeunes, instituteurs publics, sont détachés à La Sauque, aidés par d’autres, dont Louis Anceau. En juin 1944, on compte 150 élèves. L’été 1944, La Sauque accueille à nouveau la colonie qui fonctionnera jusqu’en 1983, sous la responsabilité de Mlle Tremel, M. Bernard Saudout, Mlle Michon, M. Jean-Louis Faure et Jean-Pierre Ducournau.
L’Abbe Guilgault, directeur des Coqs Rouges, avait vu dans la fondation de cette école originale un dessein de la Providence pour étendre l’oeuvre éducative du Patronage. A sa mort, le 3 mars 1945, son oeuvre sera poursuivie par l’Abbé Soncarrieu (disparu en 1953) puis par l’abbé Georges Lavergne.
Entre temps, la propriété a été achetée le 8 janvier 1945 par le CCVBSO (Comité des Colonies de Vacances de Bordeaux et du Sud-ouest), branche des Coqs Ronges. Cet achat fut rendu possible par des dons que l’abbé Guilgault recueillit, par un prêt de la famille de Traversav, ainsi qu’un prêt de l’Archevêché. C’est au cours de l’année 1945 qu’arrivent à la Sauque Gérard Caussé, Robert Lantié, Bernard Saudout et Mlle Tremel.
Nul dans le diocèse ne sera surpris que nous rendions ici un bref hommage â Mr l’Abbe Guilgault, si brusquement rappelé à Dieu dans la nuit du 3 au 4 mars ; car nul n’ignore l’action sacerdotale profonde et étendue que cet excellent prêtre a exercée sur une partie de la jeunesse bordelaise.
La messe d’obsèques avec des centaines de communions ; les prières collectives qui, sans interruption pendant trois jours et trois nuits, ont été récitées autour de son cercueil ; la foule émue qui accompagna le corps au cimetière sont des preuves d’affection qui ne trompent pas. Combien de jeunes foyers et de jeunes gens en effet lui doivent d’avoir conservé ou recouvré une foi vivante !
Combien de vocations diverses ont trouvé auprès de lui le correctif ou l’affermissement nécessaire ! Dieu seul le sait ! Le cher Abbé avait vraiment fait don total de lui-même au Christ et aux âmes. Il était « un homme mangé », selon l’expression du Père Chevrier, avec lequel il avait plus d’un trait de ressemblance.
L’esprit apostolique l’avait toujours animé ; mais retenu par des obligations familiales, il n’était entré au Grand Séminaire qu’après la guerre ; il ne fut prêtre qu’à l’âge de 39 ans. La Providence l’a ainsi longuement préparé aux vingt ans de fécond ministère qu’elle lui destinait. Connaissant bien les préoccupations des jeunes, surtout des jeunes du milieu populaire, sa pensée fut toujours orientée vers un enseignement religieux, approfondi et adapté â leurs besoins. Les nombreux cercles d’études qu’il présidait chaque semaine, les retraites et récollections qu’il dirigeait sans cesse ; les entretiens particuliers innombrables qu’il avait quotidiennement, le maintenaient en contact avec les soucis d’ordre intellectuel et moral de la jeunesse.
Sa culture générale, toujours entretenue, sa méditation approfondie de l’Evangile et de Saint Paul, ses connaissances scientifiques et philosophiques répondant aux inquiétudes contemporaines, lui permettaient de tenir des réunions originales et captivantes.
Pâques 1943 – Brameloup est occupé par l’Organisation Todt. Pourtant, les « Colos » sont si vivantes, si riches de grâces qu’il faut faire l’impossible pour trouver des locaux. La providence nous indique : La Sauque.
C’est un domaine de 56 hectares, situé à l’angle des routes de Langon et de La Brède, sur l’ancienne voie romaine.
Son château est un peu délabré, mais le parc « à l’anglaise », ombragé de sapinettes centenaires, sera vite transformé en terrains de foot, de basket, de volley. D’ailleurs, d’autres possibilités sont offertes : cultures, grands jeux dans le bois, à la belle saison baignades dans le « Saucats » voisin. Le premier champ de pommes de terre est ensemencé en prévision de la grande Colo.
En cet été 1943, le château s’avère bien petit. Les dépendances et deux tentes sont utilisées, cependant qu’au bourg de La Brède, à 2 km. 300, la Section des Petits partage avec les Patros amis d’Arlac et de Chantecler, les locaux de « la Joyeuse » et des écoles. Nous explorons le pays : Aiguemortes, le pont de Beautiran, le « châlet des Pins » et le château de Montesquieu, puis le vivier de Martillac, St-Morillon, St-Magne et ses lagunes avec un « tacot » aussi poussif que celui de Cazaux.
Au cours de cette colo, Notre-Dame de Boulogne escortée par les Coqs de Beautiran à Bordeaux, passe par notre domaine, s’y arrête et nous bénit.
Mais les dangers de la grande ville : bombardements, mauvais ravitaillement, s’accentuent. Une circulaire ministérielle, appuyée d’une lettre préfectorale, nous demande de garder les enfants pendant l’année scolaire. Par un concours de circonstances qu’il faut noter, plusieurs jeunes gens possédant les titres universitaires d’enseignement trouvent à La Sauque un refuge contre le S.T.O. Notre colonie devient Centre Scolaire de Repliement officiel, dépendant du ministère de l’intérieur.
Le contentement de chacun, particulièrement des parents, amène rapidement de nombreuses demandes. La place manquant, nous sommes contraints d’en refuser beaucoup.
Grande Colo 1944 – C’est seulement aux beaux jours et les dangers se faisant plus menaçants à Bordeaux, qu’on peut accueillir un plus grand nombre de jeunes. Chantecler et Arlac sont toujours nos voisins, mais cette fois à Ayguemortes, au château St-Jérôme. Clo-Clo Bolzec visite régulièrement les petits en placements familiaux dans le Lot-et-Garonne.
Les faits notables de cette époque sont marqués par la brutalité de la « botte allemande ».
Quelques jours avant leur massacre, les « martyrs de Saucats » viennent se ravitailler chez nous. Certains nous connaissent bien : Sabaté Roger, Anere Lucien, Dietlin Dany. Le 14 juillet au matin, nous entendons le canon qui leur est fatal.
25 Août – Depuis quatre jours, notre aîné Paul Coussau est parti chercher des vivres à Clairac (Lot-et-Garonne). Nous sommes inquiets car on s’est battu dans les environs. En ce jour de la Saint Louis, les premiers éléments du maquis défilent sur la route à la recherche des Allemands qui ont fui vers Bordeaux. Le matin, comme nous avons l’habitude de le faire les jours de fête, nous hissons les couleurs. L’abbé Guilgault fait dire au moniteur hésitant : « Nous reconnaîtrons la puissance de la Sainte Vierge à ce que nous aurons des nouvelles de Paul Coussau aujourd’hui ».
Hélas, la journée s’écoule sans apporter aucune indication. Le soir, au crépuscule, un enfant pousse un cri : « Voila Coussau ! ». Et en effet, après maintes péripéties, le « gazo », surmonté du drapeau tricolore de rigueur, entre par l’allée des marronniers ramenant un Coussau harassé et mal rasé, mais sain et sauf, avec, entre autres choses… deux cents kilos de pain blanc dont beaucoup ont perdu le souvenir. Avec quelle ardeur nous lançons « la Marseillaise » à la descente des couleurs ! Avec quelle foi nous disons un « Ave » de reconnaissance à la maman !
La cessation des hostilités suit la libération. En 1945, Brameloup rouvre ses portes, le centre de repliement disparaît. D’ailleurs, les élèves ont grandi – La Sauque devient cours secondaire.